Francis Meslet, photographe nancéien œuvrant par ailleurs dans la pub,
a largement participé à la réalisation du récent et collectif
"Atlas des lieux abandonnés". 
Photographe d'urbex,
Francis Meslet est l'auteur
de plusieurs beaux livres
sur le sujet.
Auteur d'un livre de photographies sur les églises abandonnées en 2020, d'un autre intitulé "Belgique abandonnée" fin 2023 (qui montrait notamment la Bourse du commerce d'Anvers avant sa rénovation), Francis Meslet, photographe nancéien œuvrant par ailleurs dans la pub, a largement participé à la réalisation du récent et collectif "Atlas des lieux abandonnés". Il évoque sa passion pour la photographie et l'urbex, une pratique illicite désormais victime de son succès
Le point de départ  de votre passion se situerait-il dans le passé industriel de la Lorraine, région
dont vous êtes originaire ?
La révélation a en effet eu lieu pas loin de chez moi, près de Nancy, à une époque où, préparant le marathon de New York, je courais beaucoup dans les bois. Un jour, empruntant un sentier inhabituel, je suis tombé sur un sanatorium abandonné en pleine forêt. Ensuite, je me suis tout naturellement tourné vers le potentiel le plus proche de moi en termes de sites abandonnés, à savoir les industries du bassin lorrain, de Belgique, d'Allemagne, et du Luxembourg.
Les usines abandonnées
sont des cathédrales industrielles
Bernd et Hilla Becher, qui ont photographié la Ruhr, ont-ils été un modèle pour vous ?
Je les ai découverts a posteriori, m'étant lancé dans la pratique de l'urbex un peu innocemment, par simple plaisir de pénétrer dans des lieux interdits et abandonnés pour les photographier. Mais j'ai découvert par la suite les différents photographes qui s'étaient intéressés au sujet, comme effectivement les époux Becher, de l'école de Düsseldorf. Ils sont l'une des grandes références, notamment de par le systématisme de la prise de vue de face et du choix du noir et blanc: une école de la précision et du détail doublé du rendu d'une certaine forme de paysage urbain.
"Ce qui est paradoxal, c'est de faire la promotion de quelque chose qui finalement est caché et interdit."
Ceci dit, j'ai moi-même fait l'école des Beaux-Arts et je travaille dans les métiers de l'image et de la communication depuis plus d'une trentaine d'années.
Votre côté recto c'est la publicité - le côté papier glacé, le verso,  ces lieux abandonnés et  leur déliquescence?
Voilà le secret : l'envers du décor.
Ce qui est paradoxal, c'est d'accéder à des lieux abandonnés qui sont soit interdits, soit dangereux, difficiles à trouver, voire à pénétrer, et de pouvoir, grâce à la photographie, les soumettre au regard du grand public, dans cette espèce de dualité étrange qui consiste à faire la promotion de quelque chose qui finalement est caché et interdit.

L'urbex est-il également victime
du surtourisme ?
J'ai fait irruption dans ce domaine vers 2008, et jusqu'en 2012, il n'y avait pas cet engouement, cette surpopulation sur les sites. Il y a eu énormément, notamment au niveau de la Belgique, de pilleurs de métaux, de personnes se livrant au trafic d'antiquités dans des propriétés privées ou des sites industriels. Les "urbexers" qui publient sur les réseaux sociaux sont scrutés: on observe une sorte de dark tourisme, avec ses dérives en termes de dégradations, d'incendies, de vols et d'accidents.
Lorsque vous photographiez ces lieux, avez-vous le sentiment de capturer
leur âme ?
C'est ce que je cherche : je me présente souvent comme un photographe du silence. Il favorise une certaine introspection qui permet d'entrer en résonance avec l'âme des lieux. Raison pour laquelle je ne publie pas d'autoportraits posant fièrement devant une énorme turbine…
"Peu de personnes parmi les urbexers sont véritablement intéressés par l'aspect photographique: on trouve des aventuriers, des mordus de l'escalade, d'autres qui aiment avant tout la transgression."
Mais il existe tout un mouvement constitué de personnes qui ne font que des selfies, y compris à Tchernobyl ; des tours opérateurs proposent des photos de mariage à Prypiat, ville abandonnée située à 2 km de la centrale.
Peu de personnes parmi les urbexers sont véritablement intéressés  par l'aspect photographique : on trouve des aventuriers, des mordus d'escalade, d'autres qui aiment avant tout la transgression. Il existe aussi un mouvement mettant en scène des modèles nus dans ces lieux désertés.
Quel est votre thème favori :
les églises, les châteaux ou les usines abandonnées ?
C'est sans conteste le patrimoine industriel qui me touche le plus. Je parlais du silence, mais on peut également évoquer les odeurs de graisse, de rouille, d'humidité. Ce sont des sites dans lesquels la nature reprend plus facilement ses droits. Ces lieux sont des cathédrales industrielles, comme cette usine près de Charleroi, rasée depuis, que j'avais baptisée "Cathédrale sans pierres".
Je suis intéressé  par  la lumière, mais également par la perspective. Dans ces bâtiments industriels, la façon dont la lumière traverse, entrecroise les perspectives d'architectures rouillées me fascine. 

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